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Le Pain Dur
de Paul Claudel
Mise en scène de Agathe Fourcade
Avec Joseph Dekkers, Perrine Lagarde
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Jusqu'au 14/09/2017
Nord-Ouest
13, rue du Faubourg Montmartre
75009 PARIS
Métro Grands Boulevards
01 47 70 32 75
En Avignon, cet été, le festival Off a programmé L’Annonce faite à Marie -- déjà donnée à Paris -- et Le Partage de Midi -- les deux dans la mise en scène d’Emile Azzi. A Paris, le TNO affiche aujourd’hui Le Pain Dur : c’est l’occasion de découvrir une autre facette de Claudel. Cette fois cruelle, brutale, presque naturaliste.
Tout commence par un discours pompeux à la gloire de Louis-Philippe – dont le portrait domine la scène – exaltant les vertus du commerce et de l’industrie. On est en pleine révolution industrielle. Les spéculations vont bon train et le chemin de fer se développe, histoire de transporter en un éclair les matières premières destinées aux usines, donc au grand capital. L’homme qui prononce cette harangue n’est autre que le Président du conseil de ministres, Toussaint Turelure. Sa dernière lubie : transformer la vieille abbaye dont il possède les murs en papeterie. La fièvre de l’argent, confondu avec le progrès, explique tout. Et l’on brade, l’on monnaye, y compris le vieux crucifix en bronze vendu au poids. "Le mal est dans le monde, explique déjà l’auteur dans Le Repos du Septième Jour. C’est comme un esclave qui fait monter l’eau."
Au fait, qui est ce Turelure ? Officiellement, la face non immergée du règne de Louis-Philippe, en tous cas, la plus représentative. Mais rien qu’à son destin, l’homme se dévoile. Au départ, c’est le fils de la gouvernante de la châtelaine du lieu. Devenu moine dans cette même abbaye qu’il veut vendre, il défroque à la Révolution et rejoint l’armée, esquissant la fulgurance des généraux de l’Empire. Blessé à la jambe sa carrière bifurque – désormais il boite et s’appuie sur une canne. Flic dans l’âme, à l’exemple de Fouché, il est à l’époque de L’Otage (la pièce qui précède Le Pain Dur) le représentant de l’Empereur dans le département. Un incident se produit : Sygne de Coûfontaine, âme de l’Ancien Régime, et son cousin Georges, émigré, sont impliqués dans une tentative d’évasion du pape, retenu prisonnier à Fontainebleau par Napoléon. Le préfet Turelure saisit la balle au bond, ferme les yeux et, contre son silence, épouse la jeune aristocrate. C’est ainsi qu’il met la main sur le fief et le titre qu’il finira par partager, puisqu’un jour il sera comte de Coûfontaine. Son apogée se fera sous Louis-Philippe, jouissant de cette réconciliation nationale. Turelure est donc un homme de son temps, machiavélique à souhait.
Sous nos yeux, deux femmes apparaissent sur la scène : Sichel, pianiste de formation, d’origine juive accompagnée de son père Ali Habenichts, prêteur sur gages et la Polonaise Lumir, qui lutte de son côté pour la reconnaissance de sa patrie, rayée de la carte depuis la mainmise de Marie-Thérèse d’Autriche. Elle a été la maîtresse du fils Turelure, Louis, fringant capitaine qui s’illustra en Algérie - l’Algérie de Bugeaud et d’Abd el-Kader. Il s’est d’ailleurs taillé un domaine au cœur de la Mitidja. Lumir l’a aidé, puisant dans le trésor de la Résistance polonaise. Les dix mille francs qu’il doit plus dix autres mille francs correspondent à une somme que Toussaint Turelure doit à son fils, prélevé sur l’héritage de la mère, Sygne de Coûfontaine. Turelure, qui investit à tout rompre, ne veut rembourser Louis et cherche à le convaincre par tous les moyens. Il va même jusqu’à promettre le mariage à Sichel, plus esclave que maîtresse.
Les deux femmes, jusqu’alors rivales, signent un pacte. Et la belle juive envisage pour la première fois un parricide. Mais c’est Lumir, la Polonaise, qui arme les deux pistolets. Ceci quelques instants avant la rencontre du père avec le fils. Pourtant tout commence en mineur et avec même une pointe d’affection. Mais la discussion s’aggrave. Le climat devient oppressant et Turelure comprend qu’il est coincé, la peur monte. Mais que ne ferait-il pas pour garder ses vingt mille francs ? Louis braque ses pistolets et tire. Mais l’un est armé à blanc et l’autre s’enraye. Le vieux lion s’écroule pourtant. Il est mort de peur.
Une pièce aussi violente, dans une lumière si trouble, aurait pu être signée François Mauriac. Mêmes tourments. Même soif de pouvoir. Et ce culte de l’argent, maître-mot des négociants du Quai des Chartrons, ici en Picardie … Mais Dieu là-dedans ?
Chose rare chez Claudel, il paraît absent. On ne peut le voir qu’en négatif, comme au moment de la vente du vieux crucifix : une œuvre d’art bradée au poids du bronze. L’air trop sec, que respirent les protagonistes, annonce déjà le matérialisme ambiant. Plus rien n’est sacré ! Agathe Fourcade qui caresse le projet de monter le cycle des Coûfontaine joue l’action comme un metteur en scène de films policiers. Elle voit juste et ne triche pas, malgré le peu de moyens qu’elle a à sa disposition. Ses comédiens lui obéissent au doigt et à l’œil. Comme le Turlure de Joseph Dekkers : en apparence un brave bonhomme, mais qui mord quand ses intérêts sont en jeu. Perrine Lagarde est une Lumir attachante, qui représente la Pologne - nation encore inexistante, non seulement au temps de Louis-Philippe, mais du vivant même de l’auteur, car c’est le cas en 1918 quand Paul Claudel écrit Le Pain Dur. La flamme sacrée de Lumir a vacillé, sous l’effet du capitaine et dans les plaines d’Algérie où elle s’est prise d’intérêts pour la cause coloniale. Un vrai petit soldat et avec une énergie de fer ! Elle déteint sur à son compagnon, mais Louis se noie. Le rôle de Sichel (en alternance Juliette Bridier ou Marie-Ariette Torres) est d’autant plus complexe qu’au temps des pogroms de l’Europe Centrale, la qualité de juive est difficile à définir. Poncifs et préjugés cachent une vérité dont Claudel lui-même ne semble pas encore convaincu. Olivier Faye en Louis joue le jeu du déchirement : fils de Turlure, il a hérite de son cynisme. Pourtant l’allure rappelle la mère : le fantôme de la belle aristocrate est inscrit en filigrane de l’œuvre.
Au fait, qui est ce Turelure ? Officiellement, la face non immergée du règne de Louis-Philippe, en tous cas, la plus représentative. Mais rien qu’à son destin, l’homme se dévoile. Au départ, c’est le fils de la gouvernante de la châtelaine du lieu. Devenu moine dans cette même abbaye qu’il veut vendre, il défroque à la Révolution et rejoint l’armée, esquissant la fulgurance des généraux de l’Empire. Blessé à la jambe sa carrière bifurque – désormais il boite et s’appuie sur une canne. Flic dans l’âme, à l’exemple de Fouché, il est à l’époque de L’Otage (la pièce qui précède Le Pain Dur) le représentant de l’Empereur dans le département. Un incident se produit : Sygne de Coûfontaine, âme de l’Ancien Régime, et son cousin Georges, émigré, sont impliqués dans une tentative d’évasion du pape, retenu prisonnier à Fontainebleau par Napoléon. Le préfet Turelure saisit la balle au bond, ferme les yeux et, contre son silence, épouse la jeune aristocrate. C’est ainsi qu’il met la main sur le fief et le titre qu’il finira par partager, puisqu’un jour il sera comte de Coûfontaine. Son apogée se fera sous Louis-Philippe, jouissant de cette réconciliation nationale. Turelure est donc un homme de son temps, machiavélique à souhait.
Sous nos yeux, deux femmes apparaissent sur la scène : Sichel, pianiste de formation, d’origine juive accompagnée de son père Ali Habenichts, prêteur sur gages et la Polonaise Lumir, qui lutte de son côté pour la reconnaissance de sa patrie, rayée de la carte depuis la mainmise de Marie-Thérèse d’Autriche. Elle a été la maîtresse du fils Turelure, Louis, fringant capitaine qui s’illustra en Algérie - l’Algérie de Bugeaud et d’Abd el-Kader. Il s’est d’ailleurs taillé un domaine au cœur de la Mitidja. Lumir l’a aidé, puisant dans le trésor de la Résistance polonaise. Les dix mille francs qu’il doit plus dix autres mille francs correspondent à une somme que Toussaint Turelure doit à son fils, prélevé sur l’héritage de la mère, Sygne de Coûfontaine. Turelure, qui investit à tout rompre, ne veut rembourser Louis et cherche à le convaincre par tous les moyens. Il va même jusqu’à promettre le mariage à Sichel, plus esclave que maîtresse.
Les deux femmes, jusqu’alors rivales, signent un pacte. Et la belle juive envisage pour la première fois un parricide. Mais c’est Lumir, la Polonaise, qui arme les deux pistolets. Ceci quelques instants avant la rencontre du père avec le fils. Pourtant tout commence en mineur et avec même une pointe d’affection. Mais la discussion s’aggrave. Le climat devient oppressant et Turelure comprend qu’il est coincé, la peur monte. Mais que ne ferait-il pas pour garder ses vingt mille francs ? Louis braque ses pistolets et tire. Mais l’un est armé à blanc et l’autre s’enraye. Le vieux lion s’écroule pourtant. Il est mort de peur.
Une pièce aussi violente, dans une lumière si trouble, aurait pu être signée François Mauriac. Mêmes tourments. Même soif de pouvoir. Et ce culte de l’argent, maître-mot des négociants du Quai des Chartrons, ici en Picardie … Mais Dieu là-dedans ?
Chose rare chez Claudel, il paraît absent. On ne peut le voir qu’en négatif, comme au moment de la vente du vieux crucifix : une œuvre d’art bradée au poids du bronze. L’air trop sec, que respirent les protagonistes, annonce déjà le matérialisme ambiant. Plus rien n’est sacré ! Agathe Fourcade qui caresse le projet de monter le cycle des Coûfontaine joue l’action comme un metteur en scène de films policiers. Elle voit juste et ne triche pas, malgré le peu de moyens qu’elle a à sa disposition. Ses comédiens lui obéissent au doigt et à l’œil. Comme le Turlure de Joseph Dekkers : en apparence un brave bonhomme, mais qui mord quand ses intérêts sont en jeu. Perrine Lagarde est une Lumir attachante, qui représente la Pologne - nation encore inexistante, non seulement au temps de Louis-Philippe, mais du vivant même de l’auteur, car c’est le cas en 1918 quand Paul Claudel écrit Le Pain Dur. La flamme sacrée de Lumir a vacillé, sous l’effet du capitaine et dans les plaines d’Algérie où elle s’est prise d’intérêts pour la cause coloniale. Un vrai petit soldat et avec une énergie de fer ! Elle déteint sur à son compagnon, mais Louis se noie. Le rôle de Sichel (en alternance Juliette Bridier ou Marie-Ariette Torres) est d’autant plus complexe qu’au temps des pogroms de l’Europe Centrale, la qualité de juive est difficile à définir. Poncifs et préjugés cachent une vérité dont Claudel lui-même ne semble pas encore convaincu. Olivier Faye en Louis joue le jeu du déchirement : fils de Turlure, il a hérite de son cynisme. Pourtant l’allure rappelle la mère : le fantôme de la belle aristocrate est inscrit en filigrane de l’œuvre.
Pierre Breant
22/08/2017
![Affiche](./index_files/bando-alaffiche.png)
AVIGNON
BA Théâtre (anciennement Sham's bar théâtre)
de Emmanuel Darley
Mise en scène de Thierry De Pina
Marie Pierre va voir son père veuf et malade, tous les mardis, et vont faire les courses à Monoprix. Ils connaissent tout le monde dans le quartier, et les voisins, et les relations, et les gens regardent Marie Pierre. Ils ne savent pas quoi dire, certains sont gênés, les autres ignorent....
L'avis de Geneviève Brissot
BA Théâtre (anciennement Sham's bar théâtre)
![](../img-article/Yeyeve_F9NCPC.jpg)
AVIGNON
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Le mardi à Monoprix
de Emmanuel DarleyMise en scène de Thierry De Pina
Marie Pierre va voir son père veuf et malade, tous les mardis, et vont faire les courses à Monoprix. Ils connaissent tout le monde dans le quartier, et les voisins, et les relations, et les gens regardent Marie Pierre. Ils ne savent pas quoi dire, certains sont gênés, les autres ignorent....
L'avis de Geneviève Brissot