Mademoiselle Julie
de Strindberg
Mise en scène de Didier Long
Avec Emilie Dequenne, Bruno Wolkowitch, Christine Citti
La nuit des feux de la Saint-Jean, sous l'influence de l'excitation charnelle de la danse, Mademoiselle Julie et le domestique de son père se jouent de la démarcation entre rêves et réalité pour descendre dans les enfers de la séduction.
C’est l’une des pièces les plus célèbres de Strindberg qui est jouée au Théâtre Marigny. On retrouve toutes les obsessions de l’auteur, et comme souvent chez ce dernier, les personnages évoluent dans une atmosphère sordide et s’avancent vers une lente déchéance. Mademoiselle Julie est fille de comte, mais son attitude est particulièrement déroutante : elle fait fi des conventions sociales, cherche la compagnie des hommes, même s’ils sont inférieurs à elle. La scène s’ouvre dans un décor très réaliste où l’on voit Christine, la cuisinière, occupée à cuire un repas près d’un poêle. Jean, le maître d’hôtel, entre alors en scène et tous ses propos vont tourner autour de Mademoiselle Julie. Il y a une telle ambiguïté dans les propos du personnage ou dans le jeu de l’acteur, que le spectateur se rend bien compte de l’intérêt, voire même de l’attirance qu’il éprouve pour elle. Il semble l’admirer tout en s’en défendant constamment auprès de Christine, sa fiancée.Ce qui marque le spectateur immédiatement, c’est donc le jeu des acteurs : Bruno Wolkowitch campe un personnage brut, à la fois bourru et désinvolte, tiraillé entre son désir pour sa maîtresse et sa conscience de classe, personnage "caméléon" qui pose la question de l’identité. Jean possède en effet tous les attributs pour paraître un homme de haute condition sociale : comme le font les nobles, il peut tenir une conversation en anglais ; comme eux, il peut séduire et impressionner la femme qu’il convoite, jouant le chevalier servant ou l’amoureux transi par exemple. Quant à Emilie Dequenne, elle rend toute la complexité du personnage : maquillée à outrance, habillée d’une robe rouge, elle semble tout à la fois vénéneuse, provocante, agressive, mais innocente aussi. On peut déceler la blessure profonde qui perce derrière cette sauvagerie apparente, l’actrice jouant de brusques changements de ton. Car c’est bien par la voix qu’elle va rendre tout d’abord l’instabilité du personnage, passant brusquement et brutalement du timbre le plus aigu à une tonalité sombre et rauque qui révèle les multiples facettes du personnage. Emilie Dequenne parvient aussi à faire ressortir le mal-être de la jeune fille par cette manière originale qu’elle a d’évoluer sur scène, marchant ou se tenant debout dans une sorte de vertige permanent, ce qui donne une intensité et une profondeur angoissante à son rôle. Entre la maîtresse et son valet s’établit donc un jeu de séduction qui la conduira à sa perte. Si celle-ci ne semble se jouer au départ que du désir naissant de son valet, de son propre désir et des conventions sociales, elle perdra peu à peu la maîtrise de cette relation. Il s’agit avant tout pour elle d’un jeu innocent : comme si cette enfant de la haute société cherchait à imiter les adultes et à s’amuser en même temps des différences de classe sociale. Ce jeu deviendra tragique, dans la mesure où les personnages sont entraînés dans des rapports de domination qui mettent en suspens leur honneur et leur vie. La pièce se double d’un questionnement sur la société de l’époque, elle montre la formidable emprise des hommes sur les femmes par delà les conditions sociales, Julie devenant ainsi esclave de son désir et de son valet.La mise en scène de Didier Long met bien en valeur ces différents aspects : la robe rouge que porte l’actrice pendant une grande partie de la pièce insisterait sur les élans "marxistes" de l’œuvre. Au renversement physique qui se produit lorsque le couple cède à son désir pourrait correspondre un renversement social : Jean se trouve désormais au-dessus de sa maîtresse, couché sur elle, c’est lui qui la domine. De même, Didier Long n’hésite pas à transformer le texte original afin de rendre sensible le jeu de séduction tragique qui se déroule sous nos yeux : lors du duo et duel de charme où le valet est capable de tenir un discours en anglais à sa maîtresse, de lui faire ainsi la cour, le metteur en scène semble avoir rajouté quelques répliques. Ce dernier rend ainsi encore plus surprenant et impressionnant pour le spectateur la virtuosité séductrice du valet, et fait comprendre en creux combien la jeune fille doit être touchée et subjuguée. Par le jeu des acteurs, par une mise en scène éclairante, la pièce est donc une réussite. On regrettera simplement les manques de rythme qui se produisent lorsque la servante apparaît : non pas que Christine Citti ne joue pas son rôle avec aisance, mais parce qu’elle semble plus tenter de se couler dans un duo, que de former un véritable trio et être partie prenante dans le drame qui se joue. Difficulté qui provient sans doute de l’uvre et que le metteur en scène n’a pas réussi à contourner. Et si la pièce de Strindberg est déjà d’une grande richesse, on a parfois l’impression qu’acteurs et metteur en scène veulent trop signifier : la mise en scène peut être insistante sur les évidences du texte. Le spectateur a par moments le sentiment que le jeu des acteurs risque de se transformer en "exercice d’acteur" : dans cette volonté de rendre compte à tout prix des sentiments contradictoires qui torturent les personnages, les acteurs sont parfois à la limite de "sur jouer", le travail de l’acteur cachant dans un même mouvement le personnage. Mais bien heureusement, ces dernières remarques ne proviennent que d’impressions ressenties de manière fugace au cours de la représentation ; ce qui n’enlève rien au fait que l’on soit ému, pris et emporté par le jeu des acteurs ou par la dynamique tragique de la pièce.
Julien Verjat
03/06/2006
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