Douze hommes en colère
de Reginald Rose
Mise en scène de Vincent Gary
Avec Alexandra Hesol, Lélia Fischesser, David Méheut, Pauline Guillerm, Wojtek Kwiecinski, François Negri, Benoît Larrat, Ophélie Rizzo, Marie Painparay, Benoît Schaeffer, Charlotte Khérian, Olga Kwiecinska, Jason Lewallen
Douze jurés sont réunis pour décider du sort d'un adolescent accusé du meurtre de son père. Simple formalité au vu des preuves accablantes...
Ah, le cur et l’énergie se trouvent bien souvent chez les "amateurs" ( = qui aiment). Il est vrai que le texte est rigoureux et d’une construction dramatique en
béton, organisée autour de deux camps, qui marquent des points, en gagnent, en perdent... Mais que tu aimes ou pas le foot haletant ou pantelant, chère lectrice, je
t’invite, à te précipiter voir cette pièce remarquable, jouée intelligemment, et mise en scène avec discrétion ( = au service du texte et des acteurs) par Vincent Gary. Précipite-toi's y, dis-je, et précipite’s y ton conjoint préféré, arrache-le au besoin à son ballon en lui disant qu’il y aura un score et des vainqueurs, vite, car le propre des amateurs, c’est de ne pas jouer longtemps,
ô lucioles éphémères. La précarité des lucioles me révolte. Encore un combat, bigre (Bigre = P...! mais seulement dans les bandes dessinées bien élevées des
jeunes gens bien dressés des bons quartiers bien défendus) (c’est pas dans la zone que t’entendras "bigre") (autrement dit, dès que ça bigre, t’es bien, tu ne risques pas de te faire surligner au rouge fluo des crans d’arrêt). Car la zone, hein, c’est la zone. Tu sais bien que ce n’est pas en disant plutôt "quartier en difficulté" que cela va t’assurer de pouvoir y marcher belle et cool le soir. "Regardons les faits, rien que les faits, souligne l’un
des jurés en colère. Ce gosse est coupable. Car ces gens-là sont pas comme nous. On ne leur en veut pas, c’est dans leur nature. Ces gens-là se bagarrent à
longueur de journée. Et ils se reproduisent comme des bestioles. On est en danger. Ces gens-là nous envahissent. L’époque est dangereuse. Ils vont nous
asphyxier. Ils vont nous bouffer." D’où donc est cet écho dingue qui siffle sur nos têtes ?Bref, au cas où tu aurais vu le film (mortel) avec Henry Fonda (immortel), tu peux sauter ce paragraphe, douze jurés se réunissent pour décider du sort la mort d’un adolescent de la zone, accusé du meurtre de son père, alcoolique, qui le battait, etc., toutes ces salades misérables et mélos, pfffft... comme si c’était vrai, ou comme si ça excusait quelque chose, papa, t’es méchant, je vais te tuer, bingo, ah mon couteau.Donc, au vu des preuves accablantes, le verdict s’annonce comme une simple formalité... Mais l’un des jurés n’est pas aussi certain que les autres. "Je ne sais pas, dit-il, tout simplement, au début de la délibération, seul contre tous. Et si... et si... il n’était pas coupable ?". Or, dans cet état des
Etats-Unis, il faut l’unanimité dans la décision du jury ; sans laquelle, un nouveau procès devient nécessaire.Quand Réginald Rose écrivit cette pièce - qui donna lieu au film - la loi empêchait les femmes de siéger dans un jury pénal. Cela a changé, ce qui infléchit la pièce de manière heureuse dans cette adaptation qu’en a fait Scribe (c’est le nom de cette association généreuse, je t’en parlerai plus loin). Car le chevalier blanc est une jeune femme (Ophélie Rizzo), toute menue, toute en blanc, qui démonte avec calme (le calme des colères blanches), l’argumentation
des pseudo-justiciers, parfois de bonne foi.La sobriété, le minimalisme presque, du jeu de l’actrice, et sa concentration font flèche de chacune de ses répliques. Servie par un rôle en or, elle n’en abuse pas en effets de manche, elle est juste, de bout en bout, déterminée. Elle ne lâche jamais son "superobjectif dramatique" (cher à Stanislawski), et il est difficile de croire qu’elle est débutante (sa première ou sa deuxième pièce). Autre débutante : Marie Painparay, qui, à vingt ans, réussit de manière très surprenante un rôle de composition difficile puisqu’elle joue une dame qui approche de ses quatre-vingts ans, en claudiquant bien fort. Au début, d’ailleurs, c’est plutôt comique, tant le déplacement et la voix perchée de la mémé semblent des caricatures (ne pas lire, message personnel : la mise en scène gagnerait à supprimer cet effet burlesque involontaire en asseyant la dame d’emblée parmi les autres jurés). Mais, et c’est là que l’on voit la force d’un acteur quand il travaille "de l’intérieur" (depuis Stanislawski), Marie Painparay
parvient à surmonter ces travers qu’elle s’inflige, réussit à les traverser, à les faire oublier, grâce à l’intensité de son jeu et à l’émotion qu’elle fait naître ; bravo. Si le métier d’acteur n’était pas une abominable horrible désastreuse catastrophique galère intermittente (lire, message professionnel : malgré ses joies), nous devrions les encourager toutes les deux à travailler davantage dans ce milieu, prendre des cours, un agent et son mal en patience. Mais nous pourrions aussi souffler ce pervers conseil à d’autres : Olga Kwiecinska, une Polonaise qui réussit à rendre touchante et drôle une girouette blonde ridicule ; Charlotte Khérian, la seule Arménienne (voir plus loin, à Scribe) qui est en scène et qui s’implique avec passion dans chaque réplique (du feu) ; David Méheut, qui réussit à nous tordre les tripes dans le final (mais qui doit apprendre à
ne plus confondre l’autisme du personnage avec des rigidités imposées à l’acteur ; règle d’or : plus le personnage est fermé, plus l’acteur doit écouter ; jouer le texte mais d’abord en jouant le jeu du partenaire...) ; Benoît Schaeffer, dont le tempérament chaleureux et nerveux est mis à mal par son rôle de fâcheux facho ; Benoît Larat, qui joue le footeux fâché avec une pertinence, une aisance et une désinvolture telles que j’ai de la peine pour lui que Lyon n’ait pas gagné à Milan ; il n’a pas un très grand rôle, mais sincèrement, en le voyant jouer aussi bien, je me suis dit : tiens, il y a quand même un deuxième professionnel parmi eux (relire, message intentionnel : le premier professionnel étant je te laisse deviner qui et nous donner ton avis).Je suis injuste ; je devrais parler des six autres ( = douze plus l’huissier moins deux moins cinq) car ils sont tout aussi généreux que les premiers, mais
cela m’obligerait à trop entrer dans le détail, à expliquer le rôle, reprendre le contexte, bref, tout te dévoiler, alors que tu sais que j’aime être bref et mystérieux. Mais si ces actrices et acteurs veulent en savoir davantage, qu’ils m’envoie un mail perso, tiens, pourquoi pas, je répondrai, perso (toi aussi, bien sûr ;-) Alors laisse-moi te dire encore, et chuchoter, ô ma lectrice préférée de toutes, que Scribe est une jeune association, fondée en 2002, présidée des plus activement par Sophie Roullet (intelligente, sympathique et mondialement charmante), qui a pour but d’aider des étudiants défavorisés, dans leur pays, mais un pays à la fois, en commençant aux portes de l’Arménie. Pour cela, Scribe a déjà monté sept pièces, dont les recettes ont permis de financer les bourses
universitaires (ou d’enseignement supérieur très spécialisé) de 32 étudiants du Haut-Karabagh, soit un engagement global de 160 bourses (puisqu’il y a cinq
années d’études en moyenne). Chaque bourse est de 250 euros en moyenne dans un pays où le salaire moyen est de... 55 euros par mois... Ah, Byzance. Le Haut-Karabagh est une enclave de nationalité arménienne, située en territoire d’Azerbaïdjan, à côté de l’Iran et de l’Arménie, et pas loin de la Turquie et de la Russie. République, qui a auto-proclamé son indépendance en 1991, elle n’est pas reconnue par la communauté mondiale. De ce fait, elle ne bénéficie d’aucune subvention des institutions internationales.Pourquoi t’ai-je prévenue si tard ? Parce que c’est le hasard. La semaine dernière, je suis allé acheter des fruits secs dans un magasin arménien puis du pain italien dans une boulangerie casher où j’ai trouvé un trac international amateur, et tu sais que j’aime dénicher des talents aux frontières, et des spectacles dont on ne te parle pas ailleurs. Bonne pièce, bonne cause, donc très bon dimanche ;-)
béton, organisée autour de deux camps, qui marquent des points, en gagnent, en perdent... Mais que tu aimes ou pas le foot haletant ou pantelant, chère lectrice, je
t’invite, à te précipiter voir cette pièce remarquable, jouée intelligemment, et mise en scène avec discrétion ( = au service du texte et des acteurs) par Vincent Gary. Précipite-toi's y, dis-je, et précipite’s y ton conjoint préféré, arrache-le au besoin à son ballon en lui disant qu’il y aura un score et des vainqueurs, vite, car le propre des amateurs, c’est de ne pas jouer longtemps,
ô lucioles éphémères. La précarité des lucioles me révolte. Encore un combat, bigre (Bigre = P...! mais seulement dans les bandes dessinées bien élevées des
jeunes gens bien dressés des bons quartiers bien défendus) (c’est pas dans la zone que t’entendras "bigre") (autrement dit, dès que ça bigre, t’es bien, tu ne risques pas de te faire surligner au rouge fluo des crans d’arrêt). Car la zone, hein, c’est la zone. Tu sais bien que ce n’est pas en disant plutôt "quartier en difficulté" que cela va t’assurer de pouvoir y marcher belle et cool le soir. "Regardons les faits, rien que les faits, souligne l’un
des jurés en colère. Ce gosse est coupable. Car ces gens-là sont pas comme nous. On ne leur en veut pas, c’est dans leur nature. Ces gens-là se bagarrent à
longueur de journée. Et ils se reproduisent comme des bestioles. On est en danger. Ces gens-là nous envahissent. L’époque est dangereuse. Ils vont nous
asphyxier. Ils vont nous bouffer." D’où donc est cet écho dingue qui siffle sur nos têtes ?Bref, au cas où tu aurais vu le film (mortel) avec Henry Fonda (immortel), tu peux sauter ce paragraphe, douze jurés se réunissent pour décider du sort la mort d’un adolescent de la zone, accusé du meurtre de son père, alcoolique, qui le battait, etc., toutes ces salades misérables et mélos, pfffft... comme si c’était vrai, ou comme si ça excusait quelque chose, papa, t’es méchant, je vais te tuer, bingo, ah mon couteau.Donc, au vu des preuves accablantes, le verdict s’annonce comme une simple formalité... Mais l’un des jurés n’est pas aussi certain que les autres. "Je ne sais pas, dit-il, tout simplement, au début de la délibération, seul contre tous. Et si... et si... il n’était pas coupable ?". Or, dans cet état des
Etats-Unis, il faut l’unanimité dans la décision du jury ; sans laquelle, un nouveau procès devient nécessaire.Quand Réginald Rose écrivit cette pièce - qui donna lieu au film - la loi empêchait les femmes de siéger dans un jury pénal. Cela a changé, ce qui infléchit la pièce de manière heureuse dans cette adaptation qu’en a fait Scribe (c’est le nom de cette association généreuse, je t’en parlerai plus loin). Car le chevalier blanc est une jeune femme (Ophélie Rizzo), toute menue, toute en blanc, qui démonte avec calme (le calme des colères blanches), l’argumentation
des pseudo-justiciers, parfois de bonne foi.La sobriété, le minimalisme presque, du jeu de l’actrice, et sa concentration font flèche de chacune de ses répliques. Servie par un rôle en or, elle n’en abuse pas en effets de manche, elle est juste, de bout en bout, déterminée. Elle ne lâche jamais son "superobjectif dramatique" (cher à Stanislawski), et il est difficile de croire qu’elle est débutante (sa première ou sa deuxième pièce). Autre débutante : Marie Painparay, qui, à vingt ans, réussit de manière très surprenante un rôle de composition difficile puisqu’elle joue une dame qui approche de ses quatre-vingts ans, en claudiquant bien fort. Au début, d’ailleurs, c’est plutôt comique, tant le déplacement et la voix perchée de la mémé semblent des caricatures (ne pas lire, message personnel : la mise en scène gagnerait à supprimer cet effet burlesque involontaire en asseyant la dame d’emblée parmi les autres jurés). Mais, et c’est là que l’on voit la force d’un acteur quand il travaille "de l’intérieur" (depuis Stanislawski), Marie Painparay
parvient à surmonter ces travers qu’elle s’inflige, réussit à les traverser, à les faire oublier, grâce à l’intensité de son jeu et à l’émotion qu’elle fait naître ; bravo. Si le métier d’acteur n’était pas une abominable horrible désastreuse catastrophique galère intermittente (lire, message professionnel : malgré ses joies), nous devrions les encourager toutes les deux à travailler davantage dans ce milieu, prendre des cours, un agent et son mal en patience. Mais nous pourrions aussi souffler ce pervers conseil à d’autres : Olga Kwiecinska, une Polonaise qui réussit à rendre touchante et drôle une girouette blonde ridicule ; Charlotte Khérian, la seule Arménienne (voir plus loin, à Scribe) qui est en scène et qui s’implique avec passion dans chaque réplique (du feu) ; David Méheut, qui réussit à nous tordre les tripes dans le final (mais qui doit apprendre à
ne plus confondre l’autisme du personnage avec des rigidités imposées à l’acteur ; règle d’or : plus le personnage est fermé, plus l’acteur doit écouter ; jouer le texte mais d’abord en jouant le jeu du partenaire...) ; Benoît Schaeffer, dont le tempérament chaleureux et nerveux est mis à mal par son rôle de fâcheux facho ; Benoît Larat, qui joue le footeux fâché avec une pertinence, une aisance et une désinvolture telles que j’ai de la peine pour lui que Lyon n’ait pas gagné à Milan ; il n’a pas un très grand rôle, mais sincèrement, en le voyant jouer aussi bien, je me suis dit : tiens, il y a quand même un deuxième professionnel parmi eux (relire, message intentionnel : le premier professionnel étant je te laisse deviner qui et nous donner ton avis).Je suis injuste ; je devrais parler des six autres ( = douze plus l’huissier moins deux moins cinq) car ils sont tout aussi généreux que les premiers, mais
cela m’obligerait à trop entrer dans le détail, à expliquer le rôle, reprendre le contexte, bref, tout te dévoiler, alors que tu sais que j’aime être bref et mystérieux. Mais si ces actrices et acteurs veulent en savoir davantage, qu’ils m’envoie un mail perso, tiens, pourquoi pas, je répondrai, perso (toi aussi, bien sûr ;-) Alors laisse-moi te dire encore, et chuchoter, ô ma lectrice préférée de toutes, que Scribe est une jeune association, fondée en 2002, présidée des plus activement par Sophie Roullet (intelligente, sympathique et mondialement charmante), qui a pour but d’aider des étudiants défavorisés, dans leur pays, mais un pays à la fois, en commençant aux portes de l’Arménie. Pour cela, Scribe a déjà monté sept pièces, dont les recettes ont permis de financer les bourses
universitaires (ou d’enseignement supérieur très spécialisé) de 32 étudiants du Haut-Karabagh, soit un engagement global de 160 bourses (puisqu’il y a cinq
années d’études en moyenne). Chaque bourse est de 250 euros en moyenne dans un pays où le salaire moyen est de... 55 euros par mois... Ah, Byzance. Le Haut-Karabagh est une enclave de nationalité arménienne, située en territoire d’Azerbaïdjan, à côté de l’Iran et de l’Arménie, et pas loin de la Turquie et de la Russie. République, qui a auto-proclamé son indépendance en 1991, elle n’est pas reconnue par la communauté mondiale. De ce fait, elle ne bénéficie d’aucune subvention des institutions internationales.Pourquoi t’ai-je prévenue si tard ? Parce que c’est le hasard. La semaine dernière, je suis allé acheter des fruits secs dans un magasin arménien puis du pain italien dans une boulangerie casher où j’ai trouvé un trac international amateur, et tu sais que j’aime dénicher des talents aux frontières, et des spectacles dont on ne te parle pas ailleurs. Bonne pièce, bonne cause, donc très bon dimanche ;-)
Philippe Dohy
05/04/2006
L’entrée est gratuite, une collecte est organisée à la fin du spectacle (avec de discrètes boîtes, fermées mais les chèques ouvrent droit à une réduction d’impôt pouvant aller jusqu’à 66% du montant versé ; l’association envoie alors une attestation). Il est prudent de réserver au 06 7172 6307 ou par mail : reservation@scribeparis.org. Si tu veux en savoir plus sur cette association et ses activités, tu peux aussi visiter son site : www.scribeparis.org.
AVIGNON
BA Théâtre (anciennement Sham's bar théâtre)
Mise en scène de Thierry De Pina
Marie Pierre va voir son père veuf et malade, tous les mardis, et vont faire les courses à Monoprix. Ils connaissent tout le monde dans le quartier, et les voisins, et les relations, et les gens regardent Marie Pierre. Ils ne savent pas quoi dire, certains sont gênés, les autres ignorent....
L'avis de Geneviève Brissot
BA Théâtre (anciennement Sham's bar théâtre)
AVIGNON
Le mardi à Monoprix
de Emmanuel DarleyMise en scène de Thierry De Pina
Marie Pierre va voir son père veuf et malade, tous les mardis, et vont faire les courses à Monoprix. Ils connaissent tout le monde dans le quartier, et les voisins, et les relations, et les gens regardent Marie Pierre. Ils ne savent pas quoi dire, certains sont gênés, les autres ignorent....
L'avis de Geneviève Brissot