Alma Mahler, éternelle amoureuse
de Marc Delaruelle
Mise en scène de Georges Werler
Avec Geneviève Casile, Julie Judd, Stéphane Valensi
Une des plus belles pièces de l’année. Texte solide et percutant. Distribution parfaite où Geneviève Casile, l’excellence au théâtre, se remet complètement en question.
Il pleut à verse sur New York. Contre cette pluie froide et poisseuse, une femme vitupère. Mais elle bondit quand elle perçoit quelques accords de Gustav Mahler : "Je n’ai jamais aimé votre musique… Monsieur Mahler". L’accent allemand prend le dessus, Favorisant le ralenti de la phrase, il n’en exclut pas pourtant la colère. Alma Mahler, assise dans son salon, attend l’éditeur qui doit publier ses mémoires. Or il en retard d’une demi-heure et Madame n’aime pas attendre. Pour qui la prend-on, elle qui a connu tant de monde, tant de célébrités, de la Vienne où elle née, fille d’un grand peintre à la mode, aux Etats-Unis où elle s’est fixée, tandis que sa fille sculpteur reconnu continue de vivre en Europe. L’éditeur enfin là et un verre de bénédictine à la main, sa colère contre l’éditeur tombera, faisant place à une curieuse joie, celle de se raconter. Toute tension s’abolit alors, les rides s’effacent, sur le visage et au cœur. Renaît sa jeunesse, avec, pour cadre, l’Empire de François-Joseph. Miracle ! Le personnage d’Alma se dédouble. Devant nous, au proscenium, le monstre sacré, d’une élégance à couper le souffle, contemple cette enfant qui fait ses débuts dans la vie et que l’on devine au travers de voiles transparents. Dans une bouffée de musique, apparaît le compositeur que le Tout-Vienne adule, Alexander von Zemlinsky. Premiers émois ! Sous le couvert de leçons de piano, professeur et élève flirtent à bouche-que-veux-tu. Lui n’est pourtant pas beau. Il est même un peu ridicule et cerise sur le gâteau un tantinet négligé. Avec Gustav Klimt, c’est tout autre chose. L’immense peintre, qui, à lui tout seul, représente la Sécession viennoise, déploie dans la chose « un appétit d’ogre ». Aux gestes entreprenants répond le grand accord de Tristan qui a fait basculer la musique dans la modernité. Ah ! Wagner !...Mais voici déjà Gustav Mahler, qu’elle épouse en 1901. Patron de l’Opéra, c’est un juif – pourtant converti qui a bien du mal avec sa judéité d’autant que la société, ici à Vienne, est franchement antisémite. Il est l’aîné d’Alma et, de là, presque son père, comme le juge Freud, consulté à plusieurs reprises par le compositeur. Mais Gustav en fait est marié avec la musique, ce qui ne l’empêche pas d’être un tyran domestique. Alma pour lui est le grillon du foyer, qui veille sur lui. Elle ne peut aucunement être une artiste, elle qui a pourtant composé des dizaines de lieder. Désormais, elle s’en abstiendra. Le musicien, c’est lui. Elle, la muse... Une muse qui se console vite dans les bras d’Oskar Kokoschka encore un peintre et la locomotive de la modernité ! Ce fou qui ne conçoit l’amour qu’à la hussarde ! Mais d’Alma restera quelque chose dans son œuvre : La Fiancée du vent, toile dont la renommée se confondra avec le scandale. L’aventure avec Walter Gropius, architecte révolutionnaire qui créateur du Bauhaus, sera beaucoup plus sérieuse. Du vivant de Mahler, Alma sera sa maîtresse, puis, après la mort de celui-ci, il l’épousera. Mais un jour viendra où il passera le relais à Franz Werfel, romancier engagé. Ce troisième époux - juif comme l’était Mahler de l’amènera à quitter l’Autriche, devenue province nazie. Le couple s’établira en France, à Sanary, puis, en 1940, franchira à pied les Pyrénées. A Lisbonne, il s’embarquera pour New York.
"Il y a tant de morts en moi qu’il m’est difficile de m’intéresser aux vivants", lance Alma, évoquant tous ceux qui ont défilé dans sa vie. Geneviève Casile incarne à merveille cette Alma dans un rôle presqu’à contre-emploi, où elle semble se remettre en question, elle fut l’incarnation de la Comédie Française. On retrouve ici son jeu, sa subtilité et jusqu’à ce phrasé qui transcende l’accent tudesque qu’exige la pièce. En l’écoutant, nous reviennent en mémoire toutes ses incaranations : La Reine Morte, Célimène, une des blanches rebelles du Port-Royal de Montherlant, Mme de Maintenon dans L’Allée du Roi et Isabelle, "La Louve de France" dans Les Rois Maudits, première version à la télévision. Trop souvent assimilée à des femmes un peu trop graves, j’ai eu la joie de rire avec elle dans la Léocadia de Jean Anouilh. Elle jetait déjà son bonnet par-dessus les moulins. Aujourd’hui, avec un texte qui semble écrit spécialement pour elle, elle est ce monstre sacré qui nous écrase, mais aussi nous charme par ses traits d’humour. L’humour de grande dame qui s’encanaille, mais qui n’en reste pas moins ferme sur les principes, lors des confrontations avec son double, jeune Alma, fragile et précieuse comme un bibelot de Saxe, insolente parfois et ce sens inné du défi qui la caractérisera toute sa vie. Ainsi lorsqu’elle se jettera au cou d’un jésuite célèbre à Vienne. Lui aussi ne résistera pas. Stéphane Valensi, dans un tour de force étonnant, campe tous les personnages masculins, de la désinvolture de l’éditeur américain à la passion d’un Klimt ou au désenchantement d’un Mahler. On y croit, d’autant que Valensi est le miroir de Casile et, qu’avec astuce, il lui renvoie sans cesse son image.
De ce spectacle, Agostino Pace a conçu le décor, mettant l’accent sur la transparence des voiles et réalisant un rideau où les mille petits carrés blancs évoquent les fenêtres de New York. Sonia Bosc habille le trio avec un goût émouvant, car elle restitue l’époque. Les effets de lumière de Jean Puisais sont aussi efficaces que l’environnement sonore de Jean-Pierre Prévost. Quant à Georges Werler qui a réglé cette production - assisté de Nathalie Bigorre - il a joué sur l’inattendu et les multiples changements à vue, passant d’une évocation à l’autre. Sa mise en scène est serrée, mais en même temps parlante.
Alma Mahler, éternelle amoureuse est sans nul doute un des plus beaux spectacles de la saison.
"Il y a tant de morts en moi qu’il m’est difficile de m’intéresser aux vivants", lance Alma, évoquant tous ceux qui ont défilé dans sa vie. Geneviève Casile incarne à merveille cette Alma dans un rôle presqu’à contre-emploi, où elle semble se remettre en question, elle fut l’incarnation de la Comédie Française. On retrouve ici son jeu, sa subtilité et jusqu’à ce phrasé qui transcende l’accent tudesque qu’exige la pièce. En l’écoutant, nous reviennent en mémoire toutes ses incaranations : La Reine Morte, Célimène, une des blanches rebelles du Port-Royal de Montherlant, Mme de Maintenon dans L’Allée du Roi et Isabelle, "La Louve de France" dans Les Rois Maudits, première version à la télévision. Trop souvent assimilée à des femmes un peu trop graves, j’ai eu la joie de rire avec elle dans la Léocadia de Jean Anouilh. Elle jetait déjà son bonnet par-dessus les moulins. Aujourd’hui, avec un texte qui semble écrit spécialement pour elle, elle est ce monstre sacré qui nous écrase, mais aussi nous charme par ses traits d’humour. L’humour de grande dame qui s’encanaille, mais qui n’en reste pas moins ferme sur les principes, lors des confrontations avec son double, jeune Alma, fragile et précieuse comme un bibelot de Saxe, insolente parfois et ce sens inné du défi qui la caractérisera toute sa vie. Ainsi lorsqu’elle se jettera au cou d’un jésuite célèbre à Vienne. Lui aussi ne résistera pas. Stéphane Valensi, dans un tour de force étonnant, campe tous les personnages masculins, de la désinvolture de l’éditeur américain à la passion d’un Klimt ou au désenchantement d’un Mahler. On y croit, d’autant que Valensi est le miroir de Casile et, qu’avec astuce, il lui renvoie sans cesse son image.
De ce spectacle, Agostino Pace a conçu le décor, mettant l’accent sur la transparence des voiles et réalisant un rideau où les mille petits carrés blancs évoquent les fenêtres de New York. Sonia Bosc habille le trio avec un goût émouvant, car elle restitue l’époque. Les effets de lumière de Jean Puisais sont aussi efficaces que l’environnement sonore de Jean-Pierre Prévost. Quant à Georges Werler qui a réglé cette production - assisté de Nathalie Bigorre - il a joué sur l’inattendu et les multiples changements à vue, passant d’une évocation à l’autre. Sa mise en scène est serrée, mais en même temps parlante.
Alma Mahler, éternelle amoureuse est sans nul doute un des plus beaux spectacles de la saison.
Pierre Breant
20/05/2017
AVIGNON
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Mise en scène de Laurent Montel
Une histoire d'amour banale, comme il peut en exister tous les jours. Un homme remarque une jeune femme et en tombe amoureux. Elle Anna, tient un journal quotidien. Lui, Nicolas est fou amoureux C'est une histoire vraiment banale. Mais comme un train qui en cache un autre, et bien...
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