Jean et Béatrice
de Carole Fréchette
Mise en scène de Patrick Rouzaud
Avec Pascale Bouillon, Didier Forest
"Jeune héritière recherche un homme qui pourra l'intéresser, l'émouvoir et la séduire. Récompense substantielle."
Depuis de nombreuses années, Carole Fréchette, l'auteure de Jean et Béatrice, est l'une des plus importantes créatrices du théâtre québécois. Son écriture lui vaut d'être une figure marquante du théâtre francophone contemporain et d'être mutuellement reconnue et appréciée pour la qualité de ses pièces par la critique internationale.Chacune de ses pièces est une nouvelle pépite. Des histoires simples composées autour d'hommes et de femmes pour lesquels les récits ressemblent à des existences ordinaires et rassemblent des morceaux de vie pris selon. Une poésie urbaine où les mots prennent la couleur de l'asphalte et l'essence de l'humanisme.Après en avoir écrits beaucoup, Carole Fréchette a pris conscience que dans ses textes, il y a toujours des gens qui se croisent derrière des murs invisibles, mais lesquels ne se rencontrent jamais. Cette fois, elle choisit de sceller deux destins dans un appartement où la porte est fermée à clé et la fenêtre ne s'ouvre pas. La dualité de deux tempéraments aux antipodes de leurs exigences s'affrontent dans une partie de joutes verbales. Il n'y aura ni vainqueur, ni vaincu, seulement deux subconscients qui réveillent des douleurs internes.La sobriété du huis-clos se définit par un simple lit dont le matelas est pris dans les tenailles de la structure métallique le composant et un modeste tabouret. Béatrice, allongée sur le sol, l'attention plongée dans un livre, sort de sa torpeur quand on toque à sa porte d'entrée. A la réflexion, va-t-elle ouvrir tout de suite ou laisser l'inconnu taper de nouveau avec insistance.Elle réagit, se lève, ouvre la porte et tombe nez-à-nez avec un homme à la stature imposante, le souffle coupé, la sueur perlant son visage. De préciser qu'il vient de gravir trente-trois étages à pied, l'ascenseur étant "à pied". Rapidement remis de ses émotions, il demande en boucle le montant de la prime après s'être fait expliqué la signification de l'expression "récompense substantielle".Béatrice a affiché en différents endroits de la ville des flyers portant l'annonce "Jeune héritière recherche un homme qui pourra l'intéresser, l'émouvoir et la séduire. Récompense substantielle". Quel sens donner à la lecture de ce message ? Quelle valeur est-elle sensée véhiculer ?Béatrice se décline comme étant la fille unique de l'inventeur de la poubelle en plastique. Cette idée de génie a valu à son père de s'enrichir au point d'acheter un quartier entier, immeubles et rues le desservant. Jean doit répondre à un questionnaire de personnalité et de comportement. Exigences ou exubérances de la jeune femme. Ses réponses sont pour le moins évasives et elliptiques. Excepté, quand il déclare exercer le métier de chasseur. Chasseur de primes. Ceci explique cela. Ses affèteries ne sont vraiment pas du goût de Béatrice, laquelle feint une fatigue soudaine et s'effondre sur le lit. Une façon de réfuter la réalité et surtout d'esquiver la situation embarrassante se retournant contre elle. La température de la pièce monte assez vite, la tension palpable entre les deux éléments est électrique, l'aiguille du baromètre alterne d'ombrageux à orageux. Jean réussit avec succès les trois épreuves inscrites sur l'annonce. Il exige que la récompense substantielle lui soit donnée directement en billets de vingt dollars. Sa passion, les billets de vingt dollars. Il les collectionne, les affectionne, les froisse et les caresse pour en percevoir un plaisir dont lui seul éprouve une émotion insaisissable. Etrange !Béatrice sort peu à peu de sa réserve et dessert un jeu subtil et librement inspiré de ses caprices de fille de riche. Béatrice, mais qui est-elle vraiment ?L'écriture de Carole Fréchette impose un style nouveau, la rencontre de deux personnages. Un huis-clos étouffant, toute huisserie scellée. L'air ventile des sentiments improbables délibérément espérés par Béatrice. Jean ne peut plus s'échapper, le chasseur est pris au piège. Une intrigue mûrement dosée sans à-coups s'improvise dans la pièce et évoluera jusqu'à la fin. Tous les mots ont leur importance, ils s'installent dans un engrenage, une mécanique huilée par un double-jeu. L'un sans l'autre n'aurait pas de sens.La rencontre de deux personnes ordinaires ou presque sublimée par la performance des deux comédiens exhale cette pièce. Pascale Bouillon interprète une Béatrice fragile, une proie facile pour les hommes dans sa cage en béton, une proie pour elle-même car elle cherche l'homme qui pourra la satisfaire dans une définition la plus large possible. Elle se cherche en s'inventant une vie qui n'est pas la sienne, une usurpation d'identité fondée sur le pouvoir, l'exigence, le caprice. Traduction, une véritable identité basée sur les dettes de la vie, la solitude et le désespoir. Elle s'isole dans un état de commisération que personne ne pourra prendre en considération. Pas facile d'habiter un trente-troisième étage sans ascenseur. Pascale Bouillon, une belle énergie déployée, une comédienne généreuse et volontaire car elle tient admirablement les rênes de son rôle sans relâche.Didier Forest, dans le rôle de Jean, un tempérament digne du véritable chasseur de prime. Il ne démord à aucun moment, il fait tout ce qui lui demande Béatrice. Futé comme un renard, il attend patiemment que vienne son tour. Il furète jusqu'au moment opportun. Pourtant, il tombe dans le filet inconsidérément tendu par la jeune femme. Il devient la victime d'une proie, laquelle n'essaiera pas d'en abuser outre mesure. Si l'argent mène à tout, il est des façons plus élégantes d'en acquérir. Didier Forest, un rôle interprété pour un comédien au talent XXXL.La mise en scène est parfaite. Le texte de Carole Fréchette est scrupuleusement respecté. De l'ombre à la lumière, l'intrigue dévoile une pièce profonde et humaine et pose la question ultime "Jusqu'où sommes-nous capables d'aller pour... ?" Une réalisation de belle facture de Patrick Rouzaud. Une pièce à découvrir ou à redécouvrir au Guichet-Montparnasse.
Philippe Delhumeau
11/04/2011
AVIGNON
Atelier 44
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