Nous avions découvert le collectif D’Ores et Déjà en 2008, au théâtre des Célestins, avec Le Père Tralalère que nous avions beaucoup apprécié. La compagnie, fondée par Sylvain Creuzevault, Louis Garrel, Arthur Igual et Damien Mongin existe cependant depuis 2002 et compte "d’ores et déjà" une dizaine de spectacles à son actif, des créations et des mises en scène de textes divers (Pérec, Brecht, entre autres). Le théâtre des Célestins, face au succès du Père Tralalère, a décidé de refaire confiance au jeune collectif et l’a invité cette saison pour sa nouvelle création : Notre Terreur. Il a fort bien fait !Partant de l’histoire de Robespierre en ses dernières heures, au moment de la Terreur, du Tribunal révolutionnaire, de la création de l’Etre suprême et de tout ce qui fait partie de l’Histoire française des années 1793-1794, la troupe de D’Ores et Déjà met en scène l’Incorruptible en compagnie de ses alliés du Comité de Salut Public : Barère, Collot d'Herbois, Billaud-Varenne, Vadier, Carnot, Saint-Just... Cela aurait pu être austère et didactique, c’est tout le contraire. Ces hommes, personnages historiques célèbres, sont montrés sous l’angle du quotidien, ce qui les rend humains et permet une approche nouvelle de l’Histoire. Les spectateurs se retrouvent plongés en pleine réunion du Comité de Salut Public : brainstorming, disputes, votes (toujours à l’unanimité !), bagarres (des vraies, avec pieds et poings !), débats (pour ou contre la promotion de la pomme de terre à la fête de l’Etre suprême ?), piques, réparties et idées révolutionnaires "légèrement despotiques sur les bords", voilà ce qui nous est retranscrit de cette époque terrible. Le rassemblement de toutes ces figures est jubilatoire.La force de la compagnie tient également dans ses comédiens, tous excellents, qui portent le spectacle avec une énergie incroyable. Tous sont capables de chanter, de slamer (!), de jouer d’un instrument pour certains, de danser (et quelles chorégraphies !), de déclamer ou de jouer de manière plus naturelle ; le mélange des tons et des formes de jeu permet ainsi de créer une dynamique et de relancer sans cesse l’intérêt du public ; on ne se lasse jamais au cours des 2h15 de représentation. Car le texte ne faiblit pas, lui non plus. Si la scénographie est simple : néons, table, chaises, papiers et crayons, le texte est très riche, très bien écrit. Il mêle références au temps de Robespierre et allusions à notre époque (notamment avec l’usage de quelques anachronismes au début), dans une langue actuelle, sans affectation mais sans vulgarité non plus, une langue efficace, drôle, piquante. On suit ainsi les derniers moments du héros, de l’apogée de sa gloire à la désertion de ses partisans, avec un intérêt et une attention extrêmes. On rit, on écoute plus sérieusement, on est bousculé parfois aussi par la cruauté de ces hommes et les tensions générées par leurs affrontements. Et on en redemande ! Espérons que le théâtre des Célestins poursuive son "partenariat" avec la compagnie !