Le Roi malgré lui
de Emmanuel Chabrier
Mise en scène de Laurent Pelly
Avec Claire Levacher (direction musicale), Jean-Sébastien Bou, Magali Léger, Franck Leguérinel, Sophie Marin-Degor, Gordon Gietz, Nabil Suliman, Didier Roussel, Brian Bruce, Paolo Stupenengo, Jean-François Gay, Jacques Gomez, Grégoire Guérin
Un Roi "avec" divertissement
1573 : un an après les massacres de la Saint-Barthélemy, Henri de Valois, fils de Catherine de Médicis, frère de Charles IX, est élu roi de Pologne. Ça, c’est l’histoire de France et de l’Europe. Et puis, il y a l’histoire de Chabrier, Le Roi malgré lui : Henri de Valois est en Pologne et attend son couronnement en rêvant, nostalgique, à la France. La Pologne... l’austérité, le froid, la surveillance des gardes de Catherine de Médicis... Comment s’échapper ? À la veille de son couronnement, Henri de Valois revoit celle qu’il aima à Venise, une Polonaise appelée Alexina, nièce du palatin Laski et femme du duc de Fritelli, deux aristocrates polonais, conspirateurs voulant éliminer le roi français. Henri a une idée : il va conspirer, avec eux, contre lui-même. Un échange d’identité et le roi devient Nangis, son meilleur ami, ce dernier endossant le rôle du roi dont on veut se débarrasser.Malgré son sujet historique, Le Roi malgré lui est donc un véritable opéra comique, avec son lot de déguisements, quiproquos, tromperies, changements d’alliances et trahisons ; une humeur joyeuse parcourt les trois actes, nous entraînant sur un rythme effréné dans les péripéties du roi, de Nangis, de Fritelli et de leurs bien-aimées. Pas une seconde d’ennui dans une telle intrigue ; les rebondissements multiples ne nous laissent aucun répit. La musique de Chabrier, légère et fougueuse, souligne bien la frénésie ambiante et contribue également à la gaieté de la représentation. Avec l’aide d'Emile de Najac et Paul Burani, auteurs du livret, Chabrier a composé là un beau divertissement. Cependant, nous ne vous avons pas encore dévoilé LA raison pour laquelle ce Roi malgré lui doit absolument être vu (et entendu). Certes l’opéra en lui-même est plaisant, certes l’orchestre de l’Opéra de Lyon, ses churs, ainsi que les interprètes principaux sont parfaits ; mais, ce qui fait de cette version-là un excellent spectacle, c’est sa mise en scène.Comme toujours, Laurent Pelly sait nous surprendre et ravir nos pupilles. Le décor représente ici un hangar, lieu de tournage d’un... opéra. Voilà les ficelles du théâtre exhibées dans une mise en abyme particulièrement réussie. Les faux décors de carton-pâte très kitsch amenés aux moments opportuns par trois commis, les projecteurs visibles sur scène, les câbles soutenant les personnages dans les airs, les rampes de lumière : tout est montré. L’illusion du spectacle est détruite pour que soit mieux mis en relief le caractère convenu du vaudeville. Pelly rend ainsi le spectateur complice de sa création : personne n’est dupe, on est à l’opéra, il y a une machinerie derrière le décor, l’intrigue est stéréotypée, mais on peut tout de même apprécier l’histoire sans y croire ; voilà le message. Le plaisir ne tient pas dans l’illusion de réalité, mais bien dans les effets les plus voyants, les plus spectaculaires. Pelly l’a compris et joue de ces artifices, tout en en dénonçant la facticité. Il introduit, de la sorte, un décalage burlesque qui n’existait pas dans le livret d’origine : les ratés des commis chargés des décors et accessoires, les cartons grossiers, les erreurs de costumes (que vient faire, par exemple, un mousquetaire au milieu de ces Polonais tous de noir vêtus ?), les changements de décors au beau milieu de l’action, tout vient rompre la linéarité de l’histoire pour notre plus grand plaisir. C’est par ces petites touches personnelles que Pelly suscite nos rires et nous fait apprécier un opéra comique qu’on aurait pu, sans cela, trouver démodé.
Caroline Vernisse
27/02/2009
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