C’est une histoire simple, désespérément simple. Les personnages ne sont pas dotés d’emphase. Ils ne s’éloignent jamais trop de la réalité du quotidien. Et quel quotidien ! Un lac somptueux, un hôtel au bord de cette eau calme, quelques tables d’apéro... Quotidien serein, ensoleillé, "détaché". Yann l’artiste aimait Anna mais Anne aimait Mathieu le séducteur. Yann est resté à l’hôtel avec ses toiles. Anna et Mathieu reviennent un beau jour... Et la réalité creuse. Creuse-t-elle sa tombe ou trace-t-elle un chemin ? Sous la plage, des cadavres, des tortures et des rancœurs ? On ne sait pas. On ne sait pas très bien jusqu’au dénouement final."L'Envol naît d’une nostalgie dévorante (…) j’ai imaginé une rencontre entre celui qui a pris son envol et celui qui est resté", commente Carlotta Clerici, l’auteur de la pièce. "Tout tremble et rien ne bouge" : voilà ce qui nous vient d’abord à l’esprit, à la sortie de la salle. Rien ne bouge au point que le spectateur, déconcerté, se demande si cette immobilité est bien volontaire. Les comédiens obéissent à ce quotidien las, laborieux, qui se tisse à coups de mots et d’instincts. C’est un quotidien dont le fil d’Ariane se cache. C’est un vrai quotidien. Il en découle des émotions justes. La "justesse" est le maître-mot du théâtre de Carlotta Clerici, un théâtre qui ne feint pas de saisir le réel mais qui, au contraire, est une tentative de le saisir. A ce titre, L'Envol est une pièce à voir.