Ce spectacle, qui est un vrai succès populaire, n’en finit pas de ravir petits et grands. Il nous entraîne dans un voyage à la fois imaginaire et rocambolesque où l’un des deux protagonistes reste sagement assis, baragouinant des ordres dans un anglais approximatif, tandis que son complice, quasi muet, metteur en scène du voyage, l’entraîne de l’Espagne au pôle nord en passant par la France ou l’Ecosse. Avec une énergie frénétique et un grand (très grand !) nombre de cartons, il donne vie à des lieux divers et variés et à un périple déjanté. Le principe du « carton », comme dans le cinéma muet, permet tout : une inscription, nous voilà en mer ; un nouveau carton, et nous sommes plongés dans un désert aride. Le procédé est astucieux : quelques morceaux de carton et tout devient possible.
Mais l’aventure n’en reste pas là. Au fil du voyage et de la recherche d’une sirène aperçue au début, qui lui sert de prétexte, les deux compères vont s’amuser, se disputer, se rabibocher et se fâcher de nouveau, ce qui donne lieu à un jeu de scène très burlesque. Leurs pantomimes et mimiques déclenchent l’hilarité dans la salle. Les bons vieux gags universels de la chute, de la bagarre, à renfort de coups de bâton, ou de la grimace, bien orchestrés, fonctionnent à merveille. Que l’un revienne déguisé en sirène sensuelle avec poils au menton ou que l’autre enfourche un canasson trop petit et trop maigre pour lui, et là encore le comique burlesque provoque des salves de rire.
Ajoutons à cela, une grande inventivité dans l’utilisation des cartons pour créer costumes, accessoires et décors, ainsi que quelques clins d’œil à chaque pays, dont les clichés sont ravivés sous nos yeux, et l’on obtient une comédie réjouissante. A chaque nouveau tableau, on attend de voir les bonnes trouvailles des metteurs en scène : deux petits cartons un peu profonds, et voilà une paire de bottes de pluie pour affronter la traversée de l’Ecosse ; un grand carton plat qui s’ouvre en deux, et voilà l’échoppe d’un commerçant espagnol où acheter un beau jambon ; deux ou trois cartons bricolés ensemble et c’est un vélo qui va transporter notre voyageur immobile. Tout cela prend vie sous nos yeux ahuris ; ce vaste bric-à-brac de cartons est déplacé, empilé, jeté, déchiré, transformé pour notre plus grand plaisir. Conclusion : on peut voyager à moindre coût, que ce soit en allant au théâtre ou en s’inventant des histoires, bricolées avec les moyens du bord. Une belle leçon de création.