Il y a dix ans, la troupe des Vagabonds posait ses valises sur les planches toulousaines. Ils travaillèrent ardemment et labourèrent sans relâche le terrain fertile de leur créativité. Marquant son empreinte sur chaque œuvre revisitée, c’est au tour de Poil de Carotte d’être aujourd'hui pioché et retourné en profondeur. Ainsi, pour notre plus grand plaisir, Francis Azéma cultive là, l’art du théâtre populaire, dans son sens le plus noble.Cette très belle et poétique adaptation des écrits de Jules Renard nous plonge dans le quotidien d’un jeune adolescent en souffrance, au XXe siècle. Mais ne vous y trompez pas, ce n’est pas ici du roman Poil de Carotte dont il est question mais bien de la pièce de théâtre, produite six ans plus tard, par l’auteur.Si l’on y retrouve les mêmes personnages, Poil de carotte, François de son prénom, est devenu un jeune homme de 15 ans. Toujours victime des humiliations et maltraitances maternelles, il est en proie à la fougue de son âge, ou plutôt à la fugue de son âge. Poussé par une soif de liberté vis-à-vis du carcan familial, Poil de carotte aidé fortuitement par la toute nouvelle servante Annette, trouve pourtant le chemin vers l’amour paternel.Dans une scénographie aux airs de campagne, chaque détail immerge le spectateur dans un univers contrasté et ambivalent. Ainsi, dès le départ, le ciel bleu, le chant des oiseaux nous donnent à voir une nature gaie, apaisante tandis que la maison, aux allures penchées, aux fleurs fanées dégage une atmosphère froide et terne. Nous retrouvons également cette dualité dans le caractère du héro qui, derrière sa jovialité apparente, cache une lourde souffrance.Robin Azéma campe un Poil de carotte qui nous plait par sa légèreté, sa ferveur juvénile, et ses espoirs d’un avenir meilleur. Son interprétation est touchante de sincérité même si les constants tiraillements internes du protagoniste ne nous parviennent pas toujours. Côté père, Francis Azéma porte avec une aisance remarquable le costume d’un homme solide mais absent de sa vie familiale. Côté mère, la comédienne Corinne Marietto est troublante de vérité. Ses interventions peu nombreuses ressortent par leur puissance émotionnelle. N’oublions pas enfin Chloé Cardinaud dont la fraîcheur de jeu rend la servante attachante par sa candeur.Au final, si l’on devait émettre un seul regret à propos de cette pièce, il serait d’ordre temporel. Une petite heure paraît un poil trop courte quand l’émotion est là. Une façon peut-être pour Jules Renard de nous tendre une carotte pour venir la revoir !