Le jeu de mots est facile mais, tant pis, osons-le : ce Merlin nous a "enchantés". Il s’inscrit dans un vaste projet mené par le TNP de Villeurbanne et le TNS (Strasbourg), envisageant de mettre en scène tout le cycle du Graal. Le premier opus, Joseph d’Arimathie, a été créé au TNP en juin 2011. Merlin l’enchanteur est donc le deuxième volet de cette gigantesque entreprise théâtrale qui se poursuivra à la saison prochaine, au TNP toujours, avec Gauvain et le Chevalier Vert. A la base, un texte : le Graal théâtre, écrit par Florence Delay et Jacques Roubaud, publié chez Gallimard en 2005, qui récapitule toute l’histoire du Graal, de la Table Ronde, du roi Arthur et de ses chevaliers, source littéraire, presque mythologique, inépuisable. A la mise en scène de ce texte, deux artistes : Christian Schiaretti, directeur du TNP, et Julie Brochen, directrice du TNS. Pour interpréter les figures mythiques que sont Merlin, Vivianne, Arthur, Guenièvre et les autres : les comédiens des deux institutions de Villeurbanne et Strasbourg.C’est donc un travail collectif qui nous est livré avec ce Merlin l’enchanteur, et la collaboration a été féconde : le résultat est absolument magnifique. La scénographie nous plonge dans l’univers onirique et mystérieux du royaume de Logres : jeux de clair-obscur, fumée diffuse, musique de fond qui rappelle les temps lointains évoqués... Le décor, pourtant très sobre, contribue parfaitement lui aussi à la magie du spectacle : de grands panneaux de bois peints coulissent et dévoilent tantôt une salle de château, tantôt une forêt, symbolisés par des éléments simples, tels que des planches qui tombent du ciel. L’ensemble est très harmonieux et très beau.Très justement interprétés par des acteurs tous remarquables (à commencer par Jean-Claude Leguay en Merlin), les personnages du cycle arthurien nous emmènent avec eux dans leurs aventures extraordinaires. Le texte contemporain, avec quelques anachronismes qui ne sont pas sans rappeler le Sacré Graal des Monty Python, n’est pas étranger non plus à notre enchantement : à la fois fidèle aux textes anciens (anonymes ou écrits par Robert de Boron) sur le fond, modernisé sur la forme, parsemé d’un humour qui parle au spectateur d’aujourd’hui, ce texte est accessible à tout le monde. Il fait souvent sourire, parfois éclater de rire et il remet en mémoire les grands épisodes de la Table Ronde étudiés à l’école. Instruire et amuser en même temps, c’était l’idéal des classiques, il est atteint ici par Christian Schiaretti et Julie Brochen.