Les Epis Noirs sont une compagnie de rock théâtre : ils sont les dignes héritiers de Shakespeare et d’Elvis Presley. Dans leur dernière production sévissent Andromaque, Hermione, Oreste et Pyrrhus, les quatre chanteurs dans le vent. Une production intitulée Fantaisie barock’, mais qui est beaucoup plus rock que baroque.Les spectateurs sont prévenus en entrant dans la salle : Andromaque sera déracinée ! Tellement déraciné, que Jean Racine ne fera pas partie des convives. C’est un regret, car lorsque exceptionnellement les alexandrins du chantre du théâtre classique servira de paroles à l’une des musiques (au début du cinquième acte, lorsque Hermione, après avoir ordonné à Oreste d’immoler Pyrrhus, se questionne sur sa haine ou sur son amour) une vraie émotion envahit la salle. Ce sera l’unique fois. Pour le reste, tout est loufoquerie, dérision et second degré.Les mots que l’on écoutera seront ceux de Pierre Lericq. Il a le sens du théâtre et de la formule. Les calembours et autres effets comiques sont nombreux et efficaces, et sont parfaitement intégrés dans l’histoire très clairement racontée. Les trois autres interprètes qui l’accompagnent (Muriel Gaudin, Anais Ancel et Fabrice Lebert) sont tous sur la même tonalité : on est ridicule à souhait, mais on l’est en chantant et toujours avec une remarquable dextérité dans le jeu, musical et théâtral.Il est vrai qu’Andromaque est certainement la tragédie de Racine où les effets comiques sont les plus latents. Aussi, cette entreprise délirante – où l’unité de ton est celle de l’absurde – des Epis Noirs se justifie-t-elle. Mais tout de même, en réécoutant Hermione chanter : "Ah, ne puis-je savoir, si j’aime ou si je hais", il semble que si le spectacle avait alterné registres tragiques et comiques, il aurait encore considérablement gagné en qualité...