Deux filles, deux sœurs, amies, amantes aussi ? Probablement... Sous une couverture, à même le trottoir sur une place déserte... Lorsqu’elles en émergent, c’est pour se gorger de vin rouge tout en regardant la ville s’animer au petit matin. Et commenter les faits et gestes de tout un chacun. Elles narguent les hommes, les provoquent... Elles narguent la vie même, aussi et surtout... A la fois complices et adversaires, elles semblent ne rien attendre que la poursuite du jour jusqu’au soir... et le lendemain où elles doivent se faire avorter... Leurs propos sont crus, parfois violents... Leurs gestes, leurs rires aussi parfois...Tout au long de la journée, dont leurs ébats divers semblent ponctuer les étapes successives, elles vont observer le monde autour d’elle, comme un théâtre dérisoire présentant des spécimens d’humanité qu’elles jugent, peut-être avec raison, encore plus dérisoires qu’elles...
Ce sont Les Buveuses de pluie, une pièce d’Yves Lebeau : un texte étonnant doté d’une grande force poétique à l’état brut. On pourrait même dire "brut de décoffrage", mais ce serait une erreur. En réalité, rien de plus difficile sans doute que l’élaboration minutieuse de cette écriture, de ces échanges directs qui pourraient parfois évoquer Céline...Et pour le défendre, deux jeunes comédiennes très toniques, Ana Bogosavljevic et Kloé Lang, créatrices de leur propre jeu scénique, sous l’œil attentif de Juliette Ordonneau, qui donnent à leurs personnages une dimension théâtrale plus vraie que nature.