Ce texte inédit de Maxence Garnier, qui l'a mis en scène, est un monologue implacable et très bien écrit, malgré quelques passages
à la manière de Marguerite Duras (dont la répétition de sa fameuse
structure courte : troisième personne - verbe - complément) et une
voix qui évoque parfois celle du Grand Cahier d'Agota Kristof, chef-
d'œuvre. Ces références situent quand même le niveau d'excellence et d'exigence du travail.D'autant plus que la mise en scène d'une grande sobriété est magnifiée par la virtuosité de l'actrice, Mélanie Bernier. Ici aussi, l'argument n'est pas très joyeux. Une jeune femme très belle s'est retrouvée enceinte malgré elle. Bien qu'elle ait voulu garder l'enfant, seule désormais, elle a pour lui une haine qu'elle se tue à vouloir vaincre.Debout, les poings serrés, bougeant peu, Mélanie Bernier se tient droite et altière comme une danseuse de flamenco. Tantôt rauque, tantôt chatoyante, dans une colère froide qui l'articule (à la vie, la sienne, sa violence), sa voix égrène chaque phrase comme la dernière.Elle est aux prises avec ce qui ne cesse pas de ne pas se dire. "Le Réel, c'est ce qui ne cesse de ne pas s'écrire", disait Lacan. C'est cela qu'elle nous prouve, avec une fierté étincelante : la nécessité de résister, autant à ceux qui veulent nous écraser qu'à ce qui en nous veut détruire, et voudrait en finir, sans plus chercher de mots, de mots comme des piolets. L'Infante est Sisyphe.