Il est peu de villes en France qui peuvent se vanter d'avoir été mises en proses, en vers et contre tout en poésie et en chansons. Paris est de ces miraculées qui ont attiré le chaland du verbe, le marchand des quatre-mots, le badaud des airs à trois sous. Depuis François Villon avec ses lais, ballades et autres rondeaux, la Seine a vu couler beaucoup d'encre avec tous les hommes de lettres qui ont posé le mot, gravé la ponctuation dans la pierre littérale parisienne.La Bal(l)ade parisienne, un cabaret de chansons et de poésies crée par Delphine Haber et Isabelle Siou qui a vu le jour dans le recoin d'un garage montreuillois, là juste derrière les célèbres murs de pêches vicinaux avec la capitale. Les grandes manifestations culturelles que sont "Lire en fête" et "Le Printemps des poètes" invitèrent ce spectacle à s'y produire. L'engouement fut tel que pendant deux ans, il sera joué dans différents festivals, bibliothèques et musées.Aujourd'hui, sur une mise en scène de Benoît Bellal, c'est le théâtre du Ranelagh qui invite les amoureux du Paris en toutes lettres à venir s'assoir dans la très belle salle boisée et écouter le texte interprété par les deux comédiennes, à l'origine de son écriture.Paris en toutes lettres, le verbe trinque avec le vers dans la poésie, gouleyeux dans la chanson, servi sur des notes de musique grattées sur la guitare de Yan Pradeau. Ce musicien, le style montmartrois l'habille d'un talent inouï, les notes se détachent de sa guitare avec l'élégance de la robe verte de l'absinthe qui glisse dans le palais, ses doigts effleurent à peine les cordes, une caresse pour Zazie, de jolis mots d'amour repris avec nostalgie à Jo Dassin ou encore dans les paroles de Philo des voyous. Yan Pradeau est descendu de l'estrade de la salle de mathématiques pour mieux monter sur les planches des salles de spectacle où il se produit en guitariste et saxophoniste. Chapeau Monsieur comme celui que vous portez dans La Bal(l)ade parisienne.Delphine Haber et Isabelle Siou tendent la parole prêtée à Queneau, Brassens, Aragon, Apollinaire, Prévert, Roubaud, Réda ou encore Gainsbourg. Dans un jeu de mimétismes, les deux comédiennes interprètent avec volupté et vigueur les personnages sortis tout droit des chansons et poèmes des auteurs et paroliers cités en aval. "Zazie", après avoir fait "La Grasse Matinée", se promène sur "Le Pont Mirabeau". Poussée par "Le Vent", elle passe "Encore une fois sur le fleuve" par le "Pont des Arts". C'est à "Babylone" que "Zazie prend le métro" et dit bonjour au "Poinçonneur des Lilas". Ce fut "Une Belle Journée".De situations cocasses, en péripéties sur le quotidien des Parisiens, le ton est justement donné par les deux voix, la dérision se lit dans la bulle planant au-dessus de La Bal(l)ade parisienne. Du cabaret comme au temps du Chat Noir, cette fois, La Bal(l)ade parisienne ouvre la voie de voix disparues et ressuscitées sur les hauteurs du XVIe arrondissement, au théâtre du Ranelagh.Une mise en scène contemporaine sur des airs d'un Paris d'antan. Pari réussi.