Le public lyonnais qui a l’habitude de fréquenter les cafés-théâtres, connaît déjà bien Le Boui-Boui, lieu convivial du Vieux Lyon, où l’on peut boire un verre avant ou après les représentations et qui accueille de nombreux spectateurs depuis 1994. Pour les adeptes, sachez donc que l’équipe du Boui-Boui a ouvert, depuis quelques mois seulement, un nouveau "café comique", nommé Le Rideau rouge et sis sur le plateau de la Croix-Rousse. L’endroit est bien rénové, agréable, chaleureux ; on peut prendre un apéritif au bar, qui est à l’entrée, ou juste venir assister à l’un des deux spectacles proposés dans la même soirée. En première partie actuellement : Les Monologues du vagin ; et pour la fin de soirée : Arrête de pleurer Pénélope 2 (sachant que, si vous avez raté le premier opus, il est rejoué en ce moment même au Boui-Boui).En ce qui concerne Les Monologues du vagin, pour ceux qui n’en auraient jamais entendu parler, il s’agit d’une pièce de théâtre d'Eve Ensler, créée en 1996, qui a connu un grand succès à Broadway, puis dans le monde entier, puisqu’elle a été traduite en 26 langues et jouée dans une trentaine de pays. Ce caractère international s’explique sans doute par la démarche de l’auteur : Eve Ensler a parcouru le monde et recueilli les témoignages de plus de deux cents femmes de toute nationalité et de tout âge, confiant leurs sensations, leurs traumatismes, leurs aspirations, leurs angoisses, leurs joies, le tout à travers l’évocation de leur vagin. C’étaient, pour elles, l’occasion d’aborder différents thèmes : les relations sexuelles bien sûr, mais aussi la maternité, le viol, la maltraitance (avec le cas de l’excision notamment), la découverte du corps, la jouissance, et même la formation de la personnalité. Eve Ensler a réussi à faire de cette pièce un hommage à la femme, qui est rapidement devenu un pilier du féminisme. Le texte est tantôt léger, drôle, tantôt mélancolique, tantôt poignant, mais jamais vulgaire. Les monologues se succèdent ainsi, dynamisés par les ruptures de ton. En France, la pièce s’est jouée pour la première fois en 2000. Princesse Erika, Armande Altaï, Jeanne Cherhal, Bernadette Lafont, Micheline Dax ou encore Caroline Lœb ont déjà interprété ces monologues. Aux Etats-Unis et au Canada : Glenn Close, Cate Blanchett, Winona Ryder, Susan Sarandon, Whoopi Goldberg, Marisa Tomei, Rosie Perez, Kate Winslet, Melanie Griffith.Actuellement, à Lyon, c’est au tour de Fatima Adoum, Amandine Longeac et Nicole Biondi de reprendre ces monologues sur la scène du Rideau rouge. Les trois comédiennes, assises côte à côte, présentent l’ouvrage d’Eve Ensler et, après de brèves introductions, nous restituent, tour à tour, les soliloques de ces femmes du monde. Chacune adopte un ton qui lui est propre et chacune est convaincante dans son registre. Que ce soit sur le mode de l’humour ou du pathétique, elles savent parfaitement interpréter ces paroles diverses. Pas besoin de jeu de scène, ni de décor, ni d’effets spéciaux, les modulations des voix suffisent à nous plonger dans les bribes de vies présentées par ces trois actrices. Pour preuve de leur réussite, la salle est réactive ; hommes et femmes semblent apprécier le spectacle sous ses différentes facettes. Aussi, si l’on pouvait redouter, au début de la représentation, un manifeste féministe à l’état brut, est-on soulagé lorsque la pièce aborde des thèmes plus graves, plus subtils que le simple plaisir sexuel et l’incompréhension des hommes vis-à-vis des femmes. Même si l’on ne s’esclaffe pas durant tous les monologues, comme on pourrait l’attendre face à un spectacle de café-théâtre, on ne peut s’empêcher d’être intéressé par le propos et de réfléchir à la condition féminine d’aujourd’hui. Du café-théâtre instructif, voilà qui ne fait pas de mal !