Laurent Chandemerle imite mieux Elton John qu'Elton John lui-même. En tous cas, il m'a donné bien plus de frissons que l'original. Peut-être parce qu'il y joue davantage sa peau, c'est son entrée en scène. Il y représente un duo avec Mauranne. Pareil. Pourtant, je connais bien Mauranne, c'était l'amie d'une ex, à l'époque où elle chantait dans une cave d'un petit cabaret de Bruxelles, près de la Grand'Place, rue Marché-aux-Herbes. Ce premier duo imité est donc prometteur. Ça démarre fort. Suivent d'autres duos, homme-femme. Pas mal. Certains sont excellents mais les premières fissures apparaissent. Parfois, on dirait que Laurent Chandemerle imite une marionnette des Guignols : Johnny, par exemple, et son inévitable optique éculée. Parfois, il force trop le trait et ridiculise son modèle : les rires exagérés et forcés de Céline Dion, par exemple ; ou Daniel Prévost répétant au moins dix fois "Ah le con !".Car, oui, il n'imite pas que des chanteurs. Mais l'incontournable Nicolas Sarkozy (c'est qui, ce monsieur que l'on voit partout jusqu'à plus soif ?!), derrière un pupitre officiel, ne fait que gesticuler, et les tics lassent vite. C'est là le défaut majeur de ce spectacle sur lequel cet imitateur, vraiment doué, devrait le plus travailler : le contenu, le texte. Il ne suffit pas de donner l'illusion du modèle, il faut lui faire dire quelque chose d'intéressant, de drôle, de surprenant. Or, cela reste souvent au niveau du cliché basique ou du calembour poussif. Exemples : VIP devient "vieille pie", le roi de la pop devient "le roi de la poupe" (? Michael Jackson), le pouvoir d'achat, le "vouloir d'achat", le Love me de Polnareff (excellente imitation par ailleurs) devient "l'OVNI"... Enfin, un sketch de questions-réponses à la Delarue avec les spectateurs semble fort inspiré de celui d'Anne Roumanoff (à moins que ce ne soit le contraire ?) et le running-gag (gag répété) de deux spectateurs désignés comme volontaires n'apporte rien de nouveau, si ce n'est forcer les rires avec de petites moqueries, même très gentilles. Cela a déjà été vu mille fois. Inutile.Le dossier de presse nous dit que Laurent Chandemerle a été lauréat à trois reprises de l'émission Graines de Stars. Ce n'est pas immérité. En travaillant (beaucoup, beaucoup) les textes, je pense que cela lui permettra de mieux entrer dans ses personnages, de leur donner du souffle, de l'épaisseur, de l'humanité ; et non de les réduire à des stéréotypes, parfois drôles, parfois éprouvants.Vous pouvez y aller, c'est une prestation tout à fait honorable, plus d'une trentaine d'imitations en tout. Et vous verrez une graine encore en train de pousser, de manière prometteuse à condition que... vous avez compris, il vaut toujours mieux miser sur l'intelligence du spectateur.