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   Roberto Zucco
TNT Théâtre national de Toulouse (TOULOUSE)de Bernard-Marie Koltès
Mise en scène de Richard Brunel
Avec Axel Bogousslavsky, Noémie Develay-Ressiguier, Évelyne Didi, Valérie Larroque, Pio Marmaï, Babacar M'Baye Fall, Laurent Meininger, Luce Mouchel, Tibor Ockenfels, Lamya Regragui, Christian Scelles, Samira Sedira, Thibault Vinçon, Nicolas Hénault
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 "Il faut que je parte parce que je vais mourir. De toute façon, personne ne s'intéresse à personne. Personne. Les hommes ont besoin des femmes et les femmes ont besoin des hommes. Mais de l'amour, il n'y en a pas. Avec les femmes, moi, c'est par pitié que je bande. J'aimerais renaître chien, pour être moins malheureux."
Ce magnifique texte de Koltès écrit en 1988 met en scène un héros pas très bavard. Dans de superbes monologues, l'auteur fait parler la tristesse sans fond de la famille de la gamine violée, engluée dans le malheur, l'angoisse du vieil homme égaré ou encore le mal à vivre de l'inspecteur mélancolique. La pièce est rythmée par les interventions comiques de couples de matons, d'inspecteurs et de policiers qui, comme des jardiniers ou des fossoyeurs de Shakespeare philosophent sur le crime et la folie et s'interrogent sur la nécessité «  d'avoir les yeux ouverts ». Et ne l'oublions pas, cette pièce est avant tout inspirée de faits réels, relatant l'histoire du tueur en série italien Roberto Succo. Ecrite juste après la mort, par suicide, de ce dernier, classé schizophrène et qui avait, entre autres, tué père et mère avec une lame de boucher, Koltès voit en lui le mythe, l'incarnation en actes fous et sanglants, d ‘un désespoir. Zucco, un d'ange de la mort qui n'est pas un tueur par lui-même mais qui frappe pour devancer le malheur des autres, presque, une lucidité face à une vie qui nous entraîne tous, et pour l'éternité vers le grand trou noir.
« On serait tous en liberté sans les femmes »
La pièce est d'abord l'histoire d'un couple improbable, la gamine séduite et déflorée à 16 ans et Zucco, un couple formé par le hasard et aussitôt perdu. Un road-movie dans un miroir de poche. Un labyrinthe sans issue. Et autour, la famille, ancrage pathologique dont les deux héros tentent de se libérer.  Et au-delà encore, le quartier, le monde. Bêtise, violence, incompréhension. Le monde est une maison dont on ne peut s'enfuir. Zucco retrouvera sur son chemin ses obsessions, les images parentales qu'il a cru éliminer. La gamine sera vendue par son frère. Il n'y a pas de sortie de secours pour le tragique de l'existence hormis la mort.Â
« Le problème avec la bière c'est qu'on ne peut pas l'acheter, on ne peut que la louer, il faut que j'aille pisser »
Le petit Chicago, est un quartier décadent où nous assistons à un beau défilé de personnes en marge de la société. Avec une scénographie faite d'échafaudages, d'escaliers de fer, de parois coulissantes, de papier, «Zucco» nous entraîne dans une sorte de danse, tragique, puissante et mortifère. Nous voyageons entre prison, intérieur de maison, cour de tennis, jardin public, commissariat etc. Tout en puissance et muscles, Pio Marmaï, énormes biceps, démarche de prédateur, visage de garçonnet incarne un Zucco, troublant, angoissant à sauvagerie incontrôlable et quasiment infantile. La gamine et sa sœur, au comportement parfois naturaliste face à cette histoire extra-ordinaire peuvent sembler parfois extérieur à ce qui se joue, les enjeux sont forts, et la tension nous tient en alerte.
« En même temps que le temps a disjoint Roberto Zucco du fait divers qui l'a inspiré, il l'a libéré de la problématique morale, de l'oscillation forcément problématique entre sacralisation du meurtrier et dénonciation de la monstruosité. Le personnage éponyme est un rôle par essence énigmatique et sans psychologie. » |
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Mis à jour le 22/01/2016
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