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 La Nuit des Rois, la comédie de Shakespeare revue à l'envers de l'endroit dans la distribution des rôles.
Serge Lipszyc eut-il été roi mage la nuit de la naissance de l'enfant Jésus. D'inspiration, il n'aurait pas eu meilleure pour mettre en scène La Nuit des Rois. Shakespeare n'était pas homme à oublier les réjouissances inscrites sur le calendrier élisabéthain. Aussi, s'ingénia-t-il à écrire La Nuit des Rois afin qu'elle fusse jouée la dernière nuit des fêtes de Noël. Nuit magique s'il en est, les étoiles filent le rêve dans un carnaval de féeries, les filles se déguisent en garçons et les garçons en filles. Le théâtre s'empare de la vie et telle une éphéméride, le temps pagine ses revers en reflets, le temps d'une nuit.
La Nuit des Rois, une comédie qui pose la réflexion franglaise "suis-je ce que je suis" ou "I am what I am". What else !
Païens et chrétiens se donnent la main et dansent autour d'un feu attisé par la liesse collective. L'austérité fuit la réalité, l'apparence mue en résonance, l'intrigue se décline en musique.
L'Illyrie, une terre imaginaire peuplée d'être soucieux et bucoliques, lesquels vivent de frasques et d'amours inavoués. Viola, rescapée d'un naufrage, trouve refuge chez le Duc d'Orsino. Elle feint la mort de son frère jumeau, Sébastien, en prenant ses apparences. Orsino, séduit par la beauté juvénile de Viola, l'entremet de convaincre Olivia de l'épouser. Olivia, veuve d'un frère disparu, succombe au charme du jeune homme.
Le travail de Serge Lipszyc, une volonté portée par un collectif artistique, la compagnie du Matamore, étendant son registre du théâtre classique au répertoire contemporain. Les mises en scène de Lipszyc sont affûtées pour que le tranchant incise une uvre à contre-courant, tout en conservant le sens original. L'exercice, un rien pervers dans la conceptualisation et un soupçon démesuré, traduit le théâtre vu dans la grandeur d'âme de ce génial et extraordinaire metteur en scène, qu'est Serge Lipszyc. Son tempérament de comédien lui insuffle une dynamique d'esprit qu'il répartit à tous ses partenaires.
Il est de ses spectacles qui restent gravés sur le panthéon du théâtre, Arlequin serviteur de deux maîtres de Carlo Goldoni joué au Théâtre du Ranelagh en 2011 et plus récemment l'adaptation du texte de Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, interprété au théâtre L'Etoile du nord, confirment les incorrigibles élans artistiques de cet homme intégralement voué à la scène.
La Nuit des Rois, une scénographie toute de bois vêtue. Les restes d'un bateau échoué font bonne figure à un enchevêtrement d'astuces et d'escaliers pensés pour amuser. Sandrine Lamblin a usé les lames de sa scie sur les planches de ce décor qui sied à souhait à l'esprit de la comédie de Shakespeare.
La création des costumes d'Anne Rabaron, un défilé haute couleur porté pour être vu dans un carnaval mélangeant habilement la raison en émotion, l'harmonie en alchimie.
Le travestissement des personnages en leur inverse apporte une nouvelle dimension à la pièce de Shakespeare. Convergence de fraîcheur et de burlesque, les curs convolent avec dérision et légèreté. Foi en l'amour n'est point salvatrice tant que les curs ne résonneront de concert. L'intrigue au pluriel invite à découvrir des mises en situation inattendues, l'effet de surprise jette ses postillons comme autant de répliques savoureuses à prendre au passage.
Il n'est pas un comédien qui se démarque des autres, chacun se démarque de lui-même par l'ingéniosité et la fluidité du jeu attribué au personnage incarné.
La lumière. La rencontre de deux influences, la singularité et le plaisir, mis en valeur avec justesse et correspondance par Jean-Louis Martineau.
La mise en scène de Serge Lipszyc, la certitude que cette pièce a trouvé son public et fera naître de belles vocations à venir, l'amour à contre-jupon. |
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Mis à jour le 22/05/2013
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