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 Mascarille :"Il faut que je vous dise un impromptu hier chez une duchesse de mes amies, que je fus visiter; car je suis diablement fort sur les impromptus." Cathos :"L'impromptu est justement la pierre de touche de l'esprit." Mascarille :"Ecoutez donc." Magdelon :"Nous y sommes de toutes nos oreilles".
Les Précieuses Ridicules se dévoilèrent à la noblesse parisienne, le 18 novembre 1659, sur la scène, pour la première fois. Molière, s'inspira-t-il de La Prétieuse ou le Mystère des ruelles de l'abbé de Pure, éloge imprimée en quatre volumes de 1656 à mai 1658, narrant la grandiloquence de la coquetterie mondaine dans les cabinets de particulière curiosité, un prélude au jeu de l'amour et du hasard.
Cette quête de l'amour enrobe la rime en dentelle sous la crinoline. Sous le jupon, il n'est pas d'aise de se laisser caresser l'esprit par des mots déplacés. Jean-Philippe Daguerre convie Paris et Navarre à ouïr les tournoiements de basse Cour et frondaisons de plumage et ramage des sottises doucettement gazouillées par Cathos et Magdelon.
La Comtesse d'Escarbagnas, interprétée par l'impressionnante Séverine Delbosse, après s'être ébrouée en rires à fendre la langue de Molière au côté du Comte, du Vicomte, de Julie et de messieurs Bobinet et Tibaudier, invités à proser à qui se fera le mieux écouté, prend strapontin dans l'orchestre pour se laisser aller à regarder les émoluments du beau parler des Précieuses Ridicules.
"Souffrez que nous prenions un peu d'haleine parmi le beau monde de Paris, où nous ne faisons que d'arriver. Laissez-nous faire à loisir le tissu de notre roman, et n'en pressez point tant la conclusion." De cette maxime, les deux jeunes provinciales feront éloge auprès des gentilshommes qui s'oseront à leur louer un temps de conversation.
Magdelon, la fille de Georgibus, incarnée par la sublime Charlotte Matzneff, tient les rênes de propos en débats à ce jeu de l'amour et du hasard face à sa cousine Cathos, jouée par la jolie Sylvie Cavé.
Cette brillante mise en scène pose les attributs affublant l'image des courtisanes provinciales fraichement le pied posé à Paris, en souhait de saluer un gentil notable, homme à l'esprit bien tourné, soucieux du savoir-vivre séant au XVIIe siècle dans les salons et l'instruction posée sur l'échiquier de la science et du bel art. Si rencontre se fait, il sera censé les introduire dans les cabinets ouverts aux demoiselles désuvrées dans la flânerie et l'esprit coquin aux aguets prêts à soulever le cur au moindre soubresaut. Sous le jupon, la moiteur respire l'intimité des hommes bien sous tout rapport. Celui qui causera le mieux se fera apprécier. Enfin presque...
Les deux colombes s'amusent, avec la manière et l'impertinence qui les personnifient, à rendre ridicule La Grange et Du Croisy. Ceux-ci, à défaut d'avoir été charmés, décident de les punir de l'offense faite à leur honorable personne. Molière n'a pas usé sa plume à pousser l'intrigue dans ses Précieuses Ridicules.
Jean-Philippe Daguerre, au contraire, s'est investi dans ce jeu de cache-cache. L'énigme à élucider, un indice travestissant les rôles de Mascarille et Jodelet s'immisce dans la pièce. Mascarille représenté par Yves Roux, s'invite en homme du monde dans les appartements de Magdelon, laquelle éperdument séduite par le jeune prétendant, feint d'être naïve face à la main experte en la matière à caresser sous le jupon. L'emberlificoteur se joue de la situation présente, la belle s'évanouit en rêve d'un avenir prometteur.
Pendant ce temps, entre en scène un autre homme, Jodelet. Cathos, la cousine jalouse, n'a pas d'autre choix que de s'amouracher du dernier venu. Simon Gleizes en habit de Jodelet et Mascarille font des pièces de leur jeu de dames, les deux provinciales. Ils progressent posément de case en case, les deux tourterelles n'ont d'yeux que pour eux, les deux dindes gloussent aléatoirement et bêtement selon ce qu'elles se font entendre, le verbe courtois et l'impromptu de rigueur. Ne dodelinent-elles pas du plumage sous les beaux ramages.
La tension fait scène comble quand subrepticement, La Grange et Du Croisy entrent de plain-pied dans le jeu de dames et bousculent les pions, non en doute à une fin aussitôt imprévue. Cathos et Magdelon ont été eues par les deux imposteurs. Georgibus les avait déjà prévenues en aval. Il ne s'agit pas de se laisser séduire et le cur emporté par le premier homme bien mis, uniquement en apparence.
Barba non est philosopha. Edouard Rouland dans le rôle de La Grange et Grégoire Bourbier dans celui de Du Croisy sont convaincants et plaisants à écouter. Le dynamisme mutuel manifesté se fond volontiers dans la prononciation scénique voulue. Quel plaisir ! Olivier Girard interprète un Georgibus, père et oncle, prévenant et hypocrite à souhait. Un bien bel Olivier Girard.
Les apparitions de Marotte furent éphémères, énergiques et désinvoltes. C'est Andréa Torres qui joue la jeune et jolie servante à l'accent latin. Charlotte Matzneff, une comédienne en robe de scène, un talent brodé au fil d'or. Un M majuscule pour Magdelon et Merveilleuse dans son interprétation, comme tous les rôles qui la mettent en exergue. Sophie Raynaud incarne une Cathos laique, sensuelle, assujettie à ne pas faire d'ombre à sa cousine. Sophie Raynaud, une comédienne douée de sensibilité, un talent cristallin.
Ces Précieuses ridicules, la conjugaison des vocations artistiques des coulisses du théâtre portées
comme à leur habitude en avant-scène dans cette magnifique composition de Jean-Philippe Daguerre : des costume d'époque de bien bel facture, magnifiés par la présence de plumage aux couleurs de haute Cour un décor mêlé de simplicité et de réalisme la musique, une ode qui glisse jusqu'à l'ouïe très agréablement, une cascade aux airs de bonheur. L'ensemble de ces métiers d'art contribuent à l'expression d'une mise en scène originale, captivante, belle, riche et ce, toujours avec le profond respect au texte original des pièces de Molière.
Une nouvelle fois, Jean-Philippe Daguerre nous surprend par la qualité de ces mises en scène. Il n'est pas metteur en scène sur la place du marché théâtral actuel qui connaisse Molière autant que lui, crée et invente des spectacles textuellement classiques et contemporains dans leur interprétation. Jean-Philippe Daguerre, un nom, une signature dans l'empreinte de Jean-Baptiste Poquelin.
"La fureur du bel esprit était plus que jamais à la mode. Les femmes qui s'en piquaient s'appelaient précieuses", Voltaire. |
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Mis à jour le 23/04/2010
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